Contester son licenciement pour insuffisance professionnelle

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L'insuffisance professionnelle est l'inaptitude objective et durable du salarié à occuper de manière satisfaisante un emploi qui correspond pourtant à sa qualification.


Ce motif de licenciement est aujourd'hui très apprécié et prisé par les employeurs qui y voient la solution de facilité lorsqu'ils veulent se séparer d'un salarié, mais n'ont aucune faute à lui reprocher.

En effet, même le salarié "parfait" commet parfois des petites erreurs dans son travail, prend du retard sur un dossier ou oublie de répondre à un mail, autant d'éléments qui peuvent très facilement être sortis de leur contexte, additionnés et montés en épingle pour motiver un tel licenciement.

C'est pourquoi il convient de connaitre la jurisprudence en la matière pour pouvoir anticiper et se ménager des preuves en vue de contester son licenciement devant le Conseil de Prud'hommes.



Il convient d'ores-et-déjà de préciser que l’insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne peut pas constituer une faute, et encore moins une faute grave (Cass. Soc. 13 janvier 2016, n°14-21.305).


L’inaptitude du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante ne peut reposer sur les seules allégations de l'employeur et doit être démontrée.

En effet, si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, il faut néanmoins que l'employeur soit en mesure de justifier, par des éléments concrets, objectifs et matériellement vérifiables, la réalité de cette insuffisance, qui ne peut pas reposer sur une appréciation purement subjective (Cass. Soc. 29 octobre 2008 n°07-41.322).

Il a ainsi été jugé que l
’appréciation portée par l’employeur sur le salarié dans une note d’évaluation ne peut, en l’absence de tout autre élément objectif permettant d’étayer ou de conforter ses appréciations, suffire à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle (CA VERSAILLES 28 mars 2000, 5ème Chambre, RJS 9-10/00, n° 1045).


La Cour de cassation juge également que l’employeur ne peut pas licencier un salarié pour insuffisance professionnelle s’il ne lui a pas fourni pas les moyens matériels et/ou humains indispensables à la bonne exécution de sa mission (Cass. Soc. 22 février 2017, n°15-25.023).


Enfin, l'insuffisance professionnelle, éventuellement susceptible d'être invoquée à l'appui d'un licenciement, ne saurait par ailleurs autoriser l'employeur à recourir immédiatement à un licenciement en l'absence de toute mise en garde officielle préalable de nature à permettre au salarié d'améliorer sa prestation de travail, quand bien même elle serait démontrée (CA LYON, 27 septembre 2013, RG n°12/07957).

L'employeur doit ainsi en principe alerter le salarié sur ses insuffisances et lui laisser le temps de rectifier le tir, sans se précipiter sur un licenciement.

De même, la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que l’employeur ne peut procéder au licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié si, de son côté, il n’a proposé au salarié aucune formation pour mettre en œuvre ses « axes de progrès » (Cass. Soc., 23 mars 2011, n° 09-69.569).


Pour conclure, il vous sera plus facile de contester votre licenciement pour insuffisance professionnelle si vous pouvez justifier que votre employeur ne vous a pas alerté sur vos carences, ne vous a pas formé et ne vous a pas donné les moyens indispensables à la réalisation de vos missions.

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Conseils et astuces :


Si votre employeur commence à vous faire des reproches injustifiés sur votre travail alors que jusqu'alors vous aviez toujours donné satisfaction ou à vous envoyer des courriels de relance alors que les délais ne sont pas dépassés, la meilleure chose à faire est de conserver tous les éléments permettant de démontrer, en cas de litige suite à un licenciement pour insuffisance professionnelle, que votre investissement et votre travail donnaient satisfaction.

A ce titre, il convient notamment de garder une copie :

  • De vos comptes-rendus d'entretien annuel d'évaluation,
  • Des courriels de félicitation ou de remerciement que vous avez pu recevoir de votre employeur ou de clients de l'entreprise,
  • Des réponses que vous avez pu apporter aux reproches faits par votre employeur,
  • Des courriels qui vous avez pu envoyer pour mettre en avant le manque de moyens matériels et humains à votre disposition pour réaliser vos tâches,
  • Des refus qui auraient pu être opposés à vos demandes de formation.
En outre, comme dit le proverbe "les paroles s'envolent, les écrits restent", il est dès lors primordial :
  • D'acter par écrit les difficultés rencontrées dans votre votre travail (manque de personnel et/ou de moyens matériels, surcharge de travail, ...),
  • De contester un compte-rendu d'entretien annuel d'évaluation qui ne serait pas le reflet réel de votre travail et de votre investissement,
  • De répondre aux courriers de votre employeur vous reprochant la mauvaise qualité de votre travail.
​​​​​​​N'hésitez pas à vous faire aider par un avocat qui pourra utilement vous conseiller et vous accompagner.